5 constats clés sur l'équité à connaître pour les transporteurs scolaires
Publié le 2 septembre 2025
Les autobus scolaires électriques (ASE) gagnent du terrain au Canada, mais sans une approche centrée sur l’équité, cette transition risque de laisser pour compte les communautés qu’elle vise à servir.
Le nouveau rapport de l’ACEAS, « Faire place à l’équité dans la transition vers les autobus scolaires électriques au Canada », examine comment cette transition affecte les communautés autochtones, les élèves en situation de handicap, le personnel et d’autres groupes, et ce qu’il faut changer pour qu’elle soit véritablement équitable.
À quoi ressemble l'équité tout au long du cycle de vie des ASE
Le rapport analyse les impacts liés à l’équité à travers les cinq phases du cycle de vie des ASE : l’extraction des ressources, la fabrication, l’adoption, l’utilisation et la mise au rancart.
Chaque phase révèle des défis et des occasions uniques pour bâtir une transition plus inclusive. En voici les principaux constats.
1. Extraction des ressources : des impacts à ne pas négliger
Le Canada est riche en composants essentiels aux ASE, comme le lithium, le nickel et le cuivre. Mais à quel prix?
- Environnement et santé : Les activités minières peuvent nuire aux écosystèmes et à la santé humaine, comme l’a démontré la catastrophe de Mount Polley en Colombie-Britannique, qui a contaminé des sources d’eau autochtones.
- Social : Les camps miniers sont associés à des taux accrus de violence et de toxicomanie dans les communautés avoisinantes, touchant particulièrement les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones.
- Économique : Les investissements publics dans les infrastructures minières peuvent détourner des ressources des services essentiels, tandis que les allègements fiscaux pour les entreprises minières réduisent les revenus publics.
- Gouvernance : Des projets comme le gazoduc Coastal GasLink et le projet de loi 5 en Ontario montrent que le développement minier peut se faire sans consultation ni consentement adéquat des nations autochtones.
- Travail et sécurité : Les emplois miniers sont souvent moins accessibles aux femmes et aux personnes immigrantes, et les conditions de travail—surtout dans les opérations canadiennes à l’étranger—peuvent poser de graves risques pour la santé et la sécurité.
Ce que vous pouvez faire :
Appuyer des protections environnementales et sociales plus solides pour les communautés et la main-d’œuvre, ici et à l’étranger, en interpellant les ministères fédéraux concernés (1).
2. Fabrication : une croissance qui ne garantit pas des emplois stables
Le nombre de fabricants d’ASE en Amérique du Nord augmente (Lion, MicroBird, Green Power, IC Bus, Thomas Built Buses). Toutefois, cette croissance ne se traduit pas automatiquement par plus d’emplois durables :
- L’assemblage des ASE nécessite moins d’heures de travail que celui des autobus thermiques ;
- La majorité des emplois sont concentrés au Québec et aux États-Unis ;
- Le secteur dépend fortement des subventions gouvernementales, ce qui le rend vulnérable aux changements de politiques et aux retards de financement, comme on l’a vu avec le Fonds pour le transport en commun à zéro émission.
Ce que vous pouvez faire :
Encourager l’inclusion de la fabrication d’ASE dans le Plan pour des emplois durables auprès des ministères fédéraux (2), et collaborer avec les parties locales pour démontrer la capacité de votre région à accueillir des programmes de formation inclusifs.
3. Adoption : des écarts importants entre les régions
Le rythme d’adoption des ASE varie considérablement à travers le Canada. Certaines juridictions ont mis en place des cibles et des programmes de financement qui ont favorisé leur déploiement. Mais plusieurs obstacles persistent :
- Manque de minibus accessibles pour les élèves en situation de handicap
- Coûts de base élevés du transport scolaire
- Priorités de financement concurrentes
- Distances de déplacement longues et isolement géographique
- Mauvais état des routes
- Accès limité aux infrastructures de recharge ou au réseau électrique
- Climats froids
- Capacité administrative ou financière insuffisante
- Taille réduite des parcs de véhicules
Par conséquent, les commissions scolaires desservant des communautés rurales, autochtones ou des élèves ayant des besoins élevés ont souvent peu ou pas accès aux ASE. À l’inverse, celles situées dans des centres urbains ou suburbains, dans des provinces offrant des incitatifs, sont souvent en tête de la transition.
Ce que vous pouvez faire :
Plaider auprès des ministères fédéraux (3) et, le cas échéant, provinciaux pour un financement des ASE plus inclusif et accessible, surtout pour les districts scolaires mal desservis.
4. Utilisation : des inégalités à corriger
Les ASE offrent des avantages environnementaux et sanitaires clairs, mais leur utilisation peut involontairement accentuer les inégalités existantes, notamment dans les régions rurales et à faibles ressources.
Par exemple, les conducteurs et conductrices peuvent perdre des occasions de revenus supplémentaires liés aux sorties parascolaires en raison de l’autonomie limitée des ASE. De plus, le besoin de recharger les autobus au dépôt plutôt qu’à domicile augmente les coûts et le temps de déplacement pour le personnel rural.
La main-d’œuvre d’entretien peut voir ses heures de travail réduites à cause de la conception simplifiée des véhicules et des réparations contrôlées par les fabricants.
Enfin, les ASE ne règlent pas automatiquement le manque d’équipement et de formation du personnel pour soutenir les élèves en situation de handicap. Ils ne sont pas non plus nécessairement déployés en priorité dans les communautés exposées à une forte pollution.
Ce que vous pouvez faire :
- Prioriser les ASE dans les communautés mal desservies.
- Appuyer la formation du personnel mécanique via des programmes comme le Fonds de formation pour les emplois durables ou la Subvention canadienne pour l’emploi.
- Exiger des clauses d’accès aux réparations dans les contrats d’approvisionnement.
- Devenir un employeur versant un salaire décent (« Living wage employer »).
- Plaider pour un financement opérationnel dédié aux ASE et des programmes de formation professionnelle en entretien d’ASE auprès de votre ministère de l’Éducation.
5. Mise au rancart : une fin de vie qui soulève des enjeux d'équité
Il n’existe actuellement aucune réglementation obligatoire sur la mise au rancart des autobus scolaires ou des batteries d’ASE au Canada—seulement une initiative volontaire menée par l’industrie. Ce vide réglementaire peut aggraver les inégalités environnementales :
- Les installations de recyclage et d’élimination sont souvent situées dans des communautés à faible revenu et racisées.Les communautés autochtones peuvent être plus touchées en raison d’une application plus faible des règlements.
- Les vieux autobus polluants sont souvent exportés vers des pays du Sud global.
Ce que vous pouvez faire :
- Acheter auprès de fabricants participants au programme de récupération des batteries de VE et encourager d’autres à se joindre.
- Plaider pour la légalisation des autobus reconvertis, le renforcement des règles d’exportation et l’application de la Loi sur la stratégie nationale relative au racisme environnemental et à la justice environnementale aux installations de recyclage et d’élimination liés aux véhicules.
- Demander à votre ministère provincial de l’Environnement d’adopter une politique de responsabilité élargie des producteurs pour la batteries de VE en fin de vie.
Conclusion : une transition à mener avec équité
Les ASE représentent une avancée importante pour le transport scolaire durable. Mais pour que cette transition profite à toutes les communautés, elle doit être pensée avec équité à chaque étape du cycle de vie des ASE.
Le rapport complet de l’ACEAS propose des pistes concrètes et des recommandations politiques pour aider les responsables du transport scolaire à mener cette transition de manière équitable.
- Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), Ressources naturelles Canada (RNCan), Justice Canada (JC), Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada (RCAANC), Emploi et Développement social Canada (EDSC) et Affaires mondiales Canada (AMC).
- EDSC, RNCan et Innovation, Sciences et Développement économique (ISDE).
- RNCan, Transport Canada (TC) et Logement, Infrastructures et Collectivités Canada.
- TC, AMC et ECCC.
Valerie Tremblay
Responsable en mobilité durable
Green Communities Canada