Électrifier le parc d'autobus scolaires du Canada
Retour sur la conférence de l'ACEAS

Publié le 25 juin 2023
L’Alliance canadienne pour l’électrification des autobus scolaires (ACEAS) a récemment conclu sa conférence «Électrifier le parc d’autobus scolaires du Canada: Enjeux, réalités et solutions», qui s’est tenue du 30 mai au 8 juin.
Les objectifs de cette première conférence étaient de :
- Favoriser l’échange de meilleures pratiques entre les responsables provinciaux et entre les gestionnaires de parcs d’autobus qui sont engagé(e)s dans la transition vers les autobus scolaires électriques (ASE) au Canada ;
- Contribuer à l’élaboration de recommendations pour accélérer l’adoption d’ASE qui seront publiées par l’ACEAS plus tard en 2023 ; et
- Établir des réseaux plus solides entre les provinces afin de créer un mouvement pancanadien en faveur de l’électrification du transport scolaire.
Voici un résumé des questions et réponses partagées lors de la conférence.
30 mai 2023 | Explorer des pistes vers un parc d'autobus scolaires 100% électrique
Dans ce panel de discussion animé par Louise Lévesque, Directrice des politiques chez Mobilité électrique Canada, Jeff Turner, Directeur de la mobilité durable chez Dunsky Énergie+Climat, et Marc-André Viau, Directeur des relations gouvernementales chez Équiterre, ont échangé autour des résultats du nouveau rapport de recherche Pistes de solutions pout l’électrification du parc d’autobus scolaires, avec une emphase sur les coûts, le nombre d’ASE et le soutien fédéral nécessaires pour atteindre 100% d’ASE d’ici 2040 au Canada.
Marc-André Viau: Parce qu’il s’agit d’une solution facile à mettre en œuvre. D’abord, l’électrification des autobus scolaires a un fort attrait politique, car cela contribue à préserver la santé des enfants en limitant la pollution de l’air. D’un point de vue technique, il est plus facile d’électrifier les autobus scolaires en raison de leur courte durée de service par rapport aux autres véhicules: ils ont de longues périodes d’immobilisation pendant les fins de semaines, les vacances et les soirées, ce qui permet de les recharger et de les entretenir facilement. D’un point de vue climatique, bien que le parc d’autobus scolaires représente une petite proportion des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le secteur des transports, étant donné que les émissions de GES du sous-secteur du transport lourd continuent d’augmenter, l’électrification du parc d’autobus scolaires est la première étape facile de l’électrification du transport lourd.
Jeff Turner: Actuellement, le Canada compte environ 50 000 autobus scolaires, dont 70% fonctionnent encore au diesel. Le nombre d’ASE est d’environ 500, ce qui représente 1% du parc d’autobus scolaires, avec l’Île-du-Prince-Édouard (Î.-P.-É.) en chef de file avec un parc électrifié à hauteur de 25%.
Jeff Turner: Il existe une gamme variée de programmes de financement disponibles pour les ASE au Canada. Par exemple, au niveau provincial, le gouvernement de la Colombie-Britannique a mis en œuvre le programme pilote CleanBC Go Electric School Bus. Au niveau fédéral, le Fonds pour transport en commun à zéro émission, lancé en 2021, peut couvrir 50% des projets d’investissement et 80% des projets de planification, aidant ainsi les gestionnaires d’autobus urbains et scolaires à passer à des véhicules à zéro émission.
Marc-André Viau: Le gouvernement du Québec vise à électrifier 65% de son parc d’autobus scolaire d’ici 2030, et offre des subventions pour l’achat d’ASE. Pour l’exercice fiscal de 2022-2023, la subvention provinciale est passée de 150 000$ à 125 000$. Le gouvernement a aussi l’intention, dans le cadre de son Plan pour une économie verte, d’adopter une norme de véhicules zéro émission pour les véhicules moyens et lourds, de manière similaire aux véhicules légers.
Jeff Turner: Avec une durée de vie de 12 ans, cela veut dire que 100% des ventes aujourd’hui doivent être électriques. Je pense que c’est faisable dans certaines régions, mais que cela va prendre quelques années pour cette période d’accélération de production des batteries de véhicules, mais aussi du côté d’infrastructures de recharge et de l’éducation des opérateurs.Le plus grand nombre de remplacements d’ASE se produirait en 2023-2024, avec environ 5 600 ASE par an. Par la suite, le taux de remplacement se maintiendrait entre 3 000 et 4 000 ASE par an jusqu’en 2035.
Marc-André Viau: C’est très ambitieux. mais c’est réalisable tant qu’il y a une volonté politique de le faire. Des États comme la Californie et New York se sont fixé un objectif pour 2035. Toutefois, les gouvernements ne devraient pas se contenter d’établir des objectifs, mais de mettre en place des réglementations contraignantes. Par exemple, le gouvernement fédéral devrait introduire une norme de véhicules à zéro émission pour le transport lourd avec un cadre réglementaire solide.
1er juin 2023 | Soutenir l'électrification du transport scolaire au niveau provincial
Dans ce panel de discussion animé par Jean-Patrick Toussaint de la Fondation familiale Trottier, des responsables gouvernementaux de la Colombie-Britannique et de l’Île-du-Prince-Édouard, David McKay et Matt Collins, ont souligné l’état d’électrification des autobus dans leurs provinces respectives, les cibles d’adoption en vigueur, ainsi que les politiques innovantes mises en place par le gouvernement.
David McKay: Après que la Colombie-Britannique a lancé un programme de financement en 2020 pour les ASE, 18 autobus ont été commandés au cours de la première année. Au total, 72 ASE ont été commandés depuis le lancement du programme. Avec cette tendance, nous pouvons nous attendre à une augmentation continue de l’adoption d’ASE dans la province.
Matt Collins: À l’Île-du-Prince-Édouard, en 2020, nous avons fait notre premier essai avec 12 ASE. Nous avons ensuite commandé 35 ASE au cours des deux années suivantes, ce qui fait que nous aurons bientôt 82 ASE sur les routes. Nous avons lancé un appel d’offre pour 25 d’ASE, mais nous attendons la confirmation d’un autre accord de financement fédéral.
Matt Collins: 85% des autobus scolaires actuels sont garés au domicile des conducteur(-trice)s en raison des distances souvent importantes entre les dépôts d’autobus et le lieu d’opération et de résidence des conducteur(-trice)s. La recharge à domicile leur facilite la vie.
C’est également moins cher : nous avons ajouté deux stations de recharge à domicile au printemps 2022, et elles se sont avérées moins chères que les sites de recharge de masse conventionnels. Si le ou la conducteur(-trice) tombe malade, prend sa retraite ou est licencié(e), le coût du retrait de la station de recharge portable et de sa réinstallation n’est que de 500 à 1 000$.
En outre, comme les chargeurs ont une puissance de 19,2 kW – inférieure à la valeur limite de 20 kW de notre service public -, nous n’avons pas à payer de frais supplémentaires pour le compteur à la demande! Les sites de recharge de masse dépassent cette valeur de coupure de 20 kW, ce qui entraîne une facture d’électricité plus élevée (530$ par mois sur un site de recharge de masse contre 400$ par mois au domicile du conducteur et 834$ par mois pour un autobus diesel).
David McKay: Il existe actuellement quatre programmes qui soutiennent les ASE ou financent l’infrastructure:
- Notre programme principal est le CleanBC Go Electric School Bus Pilot Program qui aide à financer les autobus, les chargeurs de niveau 2, ainsi que l’évaluation des installations. Ce programme a été le principal moteur de l’adoption des ASE, car il est assez simple pour les écoles de soumettre une demande de financement.
- Le deuxième programme est le Specialty-Use Vehicle Incentive program, qui est une remise sur les véhicules à laquelle les ASE peuvent être admissibles.La troisième possibilité est le Clean BC Go Electric Fleets Program, qui fournit un financement pour l’infrastructure qui peut aider les gestionnaires d’ASE ayant besoin d’une charge rapide (ex. entreprises, communautés éloignées).
- Le quatrième programme est le Commercial Vehicle Pilots Program, qui soutient les véhicules et les infrastructures dans les projets pilotes, comme ceux pour les ASE.
6 juin 2023 | Encourager l'adoption de bus scolaires électriques dans les provinces clés
Ce webinaire, animé par Brianna Salmon, Directrice de Green Communities Canada, s’est penché sur les défis, les succès et les actions menées par des groupes de plaidoyer en matière d’électrification du transport scolaire, en Ontario, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse.
Elizabeth Gresh (Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick): En 2021, sur les 1 200 autobus du parc, seuls 2 ASE ont été achetés. En mars 2023, le ministère de l’Éducation a acheté 20 ASE supplémentaires, mais a également signé un contrat pour 90 autobus diesel…
Le Conseil de conservation du Nouveau-Brunswick (CCNB) continue de rencontrer les principales parties prenantes du gouvernement afin d’obtenir un engagement formel en faveur de l’électrification à long terme du parc de bus scolaires de la province. L’argument principal est que les ASE sont bons pour la santé des enfants puisque les émissions de diesel sont à l’origine de 3 000 épisodes de bronchite aiguë chez les enfants chaque année au Canada. C’est la raison pour laquelle le CCNB recueille également des données sur les particules fines avec l’Association pulmonaire du Nouveau-Brunswick autour des zones de débarquement des écoles.
Thomas Arnason McNeil (Ecology Action Centre): L’Î.-P.-É. s’est engagée à remplacer ses 322 bus scolaires par des bus électriques d’ici 2030. Elle bénéficie du soutien des conducteur(-trice)s et de leurs dirigeant(e)s syndicaux(-ales). L’Î.-P.-É. s’est entièrement appuyée sur le programme d’infrastructure Investir dans le Canada. La province rend les ASE indispensables en cas de pannes d’électricité liées à des catastrophes et, dans ce sens, collabore avec Lion Electric pour utiliser des ASE munis de la technologie «véhicule-réseau» afin de fournir de l’électricité aux centres de secours d’urgence en cas de coupure de courant.
La Nouvelle-Écosse pourrait s’inspirer de l’Î.-P.-É. à travers des opportunités de partage des connaissances sur les données opérationnelles, les meilleures pratiques et la formation de la main-d’œuvre, par exemple.
Marc Saleh (Pollution Probe): Il y a 20 860 autobus scolaires en Ontario, ce qui représente environ 41 % du parc canadien d’autobus scolaires. Moins de 1% du parc ontarien est électrique.
Pollution Probe recommande d’augmenter le financement destiné aux centres de transport scolaire qui peuvent financer les projets d’ASE. Nous demandons également à l’Ontario d’intégrer des objectifs en matière d’ASE dans les politiques et programmes provinciaux, et d’adopter une politique visant à accélérer la mise au rancart d’anciens autobus scolaires diesel pour les remplacer par des ASE. En outre, les contrats d’opération conclus entre les centres de transport scolaire et les conseils scolaires devraient comporter une clause obligatoire garantissant qu’une proportion minimale du parc de véhicules est électrique.
Adam Thorn (Institut Pembina): Il existe un potentiel de revitalisation de l’économie locale des petites et moyennes entreprises (PME) qui constituent 90% de l’industrie automobile de l’Ontario, une industrie qui a perdu 90% de son niveau de production d’avant 2008 après la crise financière de 2008.
Selon l’Institut Pembina, les fabricants d’autobus électriques créent environ 20 nouveaux emplois pour chaque million de dollars d’investissement dans l’usine. Si l’Ontario suit l’objectif du Québec de 65% de ASE d’ici 2030, le secteur des ASE de l’Ontario pourrait créer environ 10 800 nouveaux emplois et générer 1,5 milliard de dollars en 2030.
Les petits fournisseurs de pièces automobiles, tels que Tube Fab, trouvent déjà de nouveaux débouchés en approvisionnant les fabricants d’ASE. La fabrication d’ASE entraînera une restructuration de la chaîne d’approvisionnement automobile, ce qui créera de nouvelles opportunités pour les PME.
8 juin 2023 | Opérer des autobus scolaires électriques à travers le pays
Dans ce panel de discussion animé par Donald Jantz de Green Economy Canada, Philippe Langlois d’Autobus Chambly et Frank Marasco de la Association of Student Transportation Services of BC ont partagé leurs expériences en tant que premiers opérateurs d’ASE dans leur province.
Frank Marasco: Le premier ASE apparu en Colombie-Britannique remonte à quatre ans. Il y a maintenant 75 ASE sur les routes. Nous soutenons l’industrie du transport scolaire depuis 1965 et les choses ont beaucoup évolué récemment en termes de technologie et de sécurité.
Philippe Langlois: Nous sommes des opérateurs, donc les choses ont beaucoup changé dans notre parc. Nous avons lancé notre entreprise en 1966 et avons fait le choix écologique d’intégrer les ASE dans notre parc en 2018. Les choses ont beaucoup changé depuis 2021, car il est devenu obligatoire d’électrifier progressivement notre parc chaque année. Avant 2021, il y avait beaucoup moins d’améliorations technologiques : un autobus scolaire de 2003 et les autobus diesel d’aujourd’hui étaient à peu près identiques.
Frank Marasco: 40% des parcs de la Colombie-Britannique doivent être zéro émission d’ici 2030. Un parc pourrait être à 80% et l’autre à 20%. Différents programmes de financement pour les ASE et l’infrastructure de recharge favorisent cette électrification. Toutes les divisions scolaires qui achètent des autobus reçoivent un financement du ministère de l’Éducation. Il s’agit d’un financement de base qui équivaut au coût d’un autobus diesel. Cela a eu un impact énorme sur ce qui s’est passé. Il y a certainement eu des difficultés et des changements, mais c’est une bonne chose qui est en train de porter ses fruits en Colombie-Britannique.
Philippe Langlois: Les subventions du ministère des Transports permettent de compenser le coût initial des ASE. Mais malheureusement, elles sont régressives. En 2021, la subvention était de 150 000$ par ASE acheté ; en 2022, elle est passée à 125 000$ par autobus et cette année, elle est de 100 000$. De plus, ces subventions se terminent le 31 mars 2024. Le gouvernement a fait preuve d’un grand soutien en couvrant 75% du coût des chargeurs et de l’infrastructure, mais ce soutien financier prend également fin en 2024.
L’incitation financière des conseils scolaires est également passée de 15 000$ par contrat en 2022 à 8 000$ cette année. La raison pour laquelle ces subventions sont régressives est qu’elles partent du principe que le coût des ASE va progressivement diminuer grâce à l’amélioration de la technologie et à la pénétration du marché. Or, avec l’inflation des matières premières, ce n’est pas le cas. Il s’agit là d’un défi financier majeur auquel nous sommes actuellement confrontés.
Philippe Langlois: Nous avons actuellement cinq autobus scolaires LionC qui ont tous une autonomie de 100 kilomètres. En ce moment, nous poussons ces autobus à leurs limites en les plaçant sur des trajets entre 92 et 112 kilomètres. J’aimerais que nous puissions avoir plus d’autonomie, mais une autonomie plus élevée s’accompagne de prix plus élevés. Notre prochaine étape consiste à obtenir des autobus avec une autonomie plus élevée afin d’éviter les situations où l’autonomie des bus est maximisée.
Nous tenons à exprimer notre gratitude aux chercheur(-euse)s, organisations, responsables gouvernementaux et gestionnaires de parcs d’autobus qui se sont joint(e)s à nous pour cette première conférence et qui ont partagé leur expérience et leurs connaissances en matière d’électrification des autobus scolaires.
Ensemble, nous pouvons continuer à susciter des changements positifs et accélérer l’électrification de notre parc d’autobus scolaires pour atteindre 100% d’ASE d’ici 2040 au Canada.

Henri Chevalier
Stagiaire en mobilité durable
Équiterre